Orso Alamanno était un seigneur tyrannique qui régnait sur la plaine de Figari, nommée Freto à l’époque. C’est dans la Chronique de G.della Grossa qu’on peut trouver trace de la légende.
Orso Alamanno, turc musulman, devint peu à peu seigneur de Freto et imposa aux habitants une loi cruelle et abominable:
Toutes les fois que l’un d’eux prendrait pour femme une jeune fille, la mariée devrait passer avec le seigneur la première nuit de ses noces et de plus, le marié devrait faire cadeau au seigneur du plus gros de ses bestiaux, cheval, bœuf ou animal quelconque. Cet exécrable usage dura de longues années. Un jour, un homme du pays, nommé Piobbetta, qui désirait prendre femme, résolut de mourir ou de délivrer la population de ce tribut honteux. Il savait à merveille prendre les animaux au lacet, usage qui se pratiquait de ce côté de l’île. La veille de son mariage, il arnacha, comme pour le faire parader un cheval très beau et très agile, qu’il voulait, disait-il, donner au seigneur le lendemain matin. Il avait attaché solidement au bois de la selle une longue corde formant lacet. Il s’approcha d’Orso Alamanno et, pendant que celui-ci était occupé à examiner la bête, il lui mit le lacet au cou, puis donnant de l’éperon, il l’étrangla en le traînant sur le sol.
A cette vue la population accourut plein de joie et afin d’assouvir la haine furieuse qu’elle nourrissait contre le tyran, elle rasa le château d’Orso Alamanno, appelé Montalto.
Le corps fut enterré après avoir été l’objet des plus grands outrages.
On dit, qu’au bout d’un an on alla ouvrir le tombeau d’Orso Alamanno pour voir ce qu’il contenait, car on prenait l’ancien seigneur pour un vrai diable de l’enfer. Il sortit du tombeau une mouche, qui devint avec le temps si grosse qu’au bout de dix ans elle avait la taille d’un bœuf ; elle tuait tous ceux qui s’approchaient, non seulement de ses ongles cruels, mais encore avec son haleine fétide, car la puanteur de son souffle était si infecte que quand le vent la portait de quelque côté elle desséchait jusqu’aux arbres. Ceux qui avaient abandonné leurs maisons mouraient dans les cavernes, malgré leur éloignement.
Enfin, Piobbetta, grâce au concours d’un médecin pisan, parvint, à tuer cette mouche. Mais, ayant oublié de se frotter avec certaines liqueurs dont le médecin lui avait prescrit l’usage pendant une année entière, il mourut à son tour.
Freto resta à peu près désert et les Bonifaciens, avec les populations voisines, firent aux quelques hommes qui restaient une si rude guerre qu’ils les obligèrent à quitter le pays.
Cette histoire de la mouche paraît fabuleuse à tout homme de bon sens, cependant, aujourd’hui encore on trouve au milieu des montagnes escarpées, dans les grottes solitaires, des ossements humains ; les habitants sont convaincus et affirment comme une chose indubitable que ces ossements sont ceux des hommes tués par la mouche.